Le Reflet, un endroit magique où l’espoir est une réalité,
une excellente table où nourrir son corps et son âme
J’avais hâte de découvrir ce restaurant niché dans le Marais. Je savais qu’il était excellent et que surtout, autour du piano, c’était un joyeux orchestre pas comme les autres qui était pour beaucoup dans la singularité de cette belle réussite.
Cela fait déjà 11 ans que j’accompagne des enfants en situation de handicap au sein de l’école.
J’en ai vu s’y épanouir, j’en ai vu certains y souffrir, et puis d’autre encore partir.
C’est déjà si difficile de se glisser entre les lignes tirées au cordeau de l’école, c’est si douloureux de se plier à ses règles, surtout quand on est un peu, ou beaucoup hors normes… Cette lutte inégale conduit souvent parents et enfants à jeter l’éponge, exténués, découragés, désespérés. Je sais le poison de l’inquiétude qui ronge les parents quant à l’avenir de leur enfant différent.
Alors quand je découvre ces projets innovants qui placent enfin ces êtres extraordinaires, adultes, dans la vie ordinaire, je suis spécialement bouleversée.
Comme au café Joyeux, nulle place ici pour la bonne action, pour la compassion. C’est un resto comme les autres, ou plutôt bien meilleur que beaucoup d’autres.
"Si tu ne rentre pas dans une case, il faut la créer"
C’est Flore Lelièvre, 28 ans, qui a déjà lancé le Reflet à Nantes il y a 3 ans qui a élaboré ce projet novateur.
A la base, cette aventure était son projet de fin d’étude en architecture d’intérieur.
Inspirée par son frère porteur de trisomie 21, elle imagine un établissement inclusif qui embaucherait des personnes dites «différentes». Des personnes avec des CDI comme les autres et des salaires normaux!
La cuisine est raffinée comme le service et le lieu. Produits de saison locaux et que du fait maison.
Une collection d'assiettes ergonomiques a été spécialement réalisée pour correspondre aux capacités de préhension des personnes trisomiques.
Seule concession pour le client : tamponner lui-même sa commande sur une carte.
Grâce à ce passeport, à ce sésame, il traverse cette frontière invisible. Il découvre une chaleur, une attention, un contact sans fards, une gaieté (qui ma foi n’est pas de mise dans nombre d'établissements…).
Il rencontre ce si étrange étranger qui enfin lui semblera vite familier. Il traverse le miroir et rencontre son reflet...
Sept personnes porteuses d’une trisomie 21 travaillent en cuisine, en salle, à l’organisation et à la gestion du lieu, avec quatre encadrants bienveillants…mais exigeants aussi.
Ce jour où je suis venue déjeuner, le repas de la table voisine se terminait joyeusement, une jeune fille extraordinaire et volubile avait encore mille choses à confier au serveur ravi.
J’ai senti un bonheur léger flotter entre eux, entre ses parents, puis ricocher de table en table.
Le Reflet:" Parce que les personnes handicapées ne sont pas si différentes, et qu’elles nous renvoient une image de ce que nous sommes, sans filtre. »
Le Reflet, un endroit magique où l’espoir est une réalité, une bonne table où nourrir son corps et puis son âme aussi.
Sabine Komsta
11 rue de Braque, 75003 Paris