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Simon rêve d'être chanteur...

· DIALOGUE

Entretien de Frédérique Préel, auteur de "Toi mon vivant poème" par Cécile

En tant qu'enseignante je suis parfois amenée à annoncer aux parents une suspicion de trouble chez leur enfant. Je me dis toujours que je peux être trop abrupte ou au contraire trop évasive. Vous évoquez ce problème-là dans votre livre. Quelle serait selon vous la manière la plus adaptée de s'adresser aux parents dans cette situation délicate ?

Au bout d'une semaine d'école, l'enseignante de petite section nous a convoqués mon mari et moi et nous a dit: "Soit Simon n'entend rien, soit il ne comprend rien." C'était une manière beaucoup trop brutale d'aborder avec nous le problème de Simon. Cela a été contre-productif car nous nous sommes braqués et avons fait la sourde oreille. Notre pédiatre nous a même fait un certificat médical pour aller dans notre sens où elle disait que Simon n'avait aucun problème. Nous avons donc perdu 6 mois. Si elle avait été plus diplomate, plus empathique, nous aurions sans doute entendu ses inquiétudes à propos de notre fils.

Au cours de la scolarité de votre enfant qu'avez -vous pensé du partenariat parents / enseignant / AESH ? Etait-il réel et solide ? La communication entre vous tous était - elle fluide et régulière ?

C'était très variable d'une année à l'autre, d'une enseignante à l'autre. Nous avons souffert au début que personne ne nous explique le "mode d'emploi". PPS, ESS, enseignante référente, Auxiliaire de vie scolaire : on entre dans un monde complètement inconnu avec des règles inconnues sans que personne ne nous explique le B.A.BA et ça rajoute à notre souffrance.

Concernant les AVS, j'ai regretté que l'on nous demande de ne pas communiquer avec elles. Cela aurait facilité parfois l'inclusion de Simon dans la classe. Certaines années, il y avait un véritable travail entre l'enseignante

et l'AVS et ce sont des années où notre fils a réellement progressé. D'autre années, c'était plus difficile.

Mais en moyenne, cela s'est plutôt bien passé. Notre fils a eu la chance d'avoir pendant trois années une AVS exceptionnelle, qui est allée au-delà de sa mission.

Vous avez dû livrer un vrai combat pour que votre enfant puisse continuer sa scolarité dans les meilleures conditions. Sur quels leviers et quelles ressources avez-vous pu vous appuyer ?

Dans sa première école, il y avait un vrai blocage de la directrice. En plus, elle lui parlait comme à un débile et lui du coup se fermait comme une huitre avec elle. On a dépensé une énergie folle pour lui prouver que Simon était capable de suivre une scolarité en milieu ordinaire. C'était une école où elle régnait en despote et même les enseignantes de bonne volonté allaient dans son sens de peur d'avoir des ennuis.

Alors qu'il savait lire depuis l'âge de 4 ans, elle ne voulait absolument pas le faire passer en CP, et ça contre l'avis de tous les thérapeutes lors de l'ESS.

Sa seule concession a été de nous proposer qu'il soit à mi-temps en Grande section et à mi-temps en CP. Une aberration pour un enfant autiste qui a déjà du mal à s'adapter à une classe...

C'est l'enseignante référente qui nous a dit : "Vous n'arriverez à rien ici. Changez d'école...".

Ce conseil a été déterminant. Nous avons trouvé une école primaire où la directrice était à l'opposé de la première. Bienveillante, empathique, cela a tout changé pour Simon. Le regard de quelqu'un qui croyait en lui a été déterminant dans son évolution. Je n'avais plus mal au ventre; lui non plus. Ce qui est injuste dans la situation aujourd'hui, c'est que tout repose sur des bonnes volontés individuelles et l'avenir d'un enfant se joue sur la personnalité et les convictions d'un directeur d'établissement, d'un enseignant référent...

J'ai souvent l'impression qu'il y a une omerta sur l'inclusion scolaire et que l'on n'ose pas évoquer la façon dont cela se passe vraiment au quotidien dans les écoles. Vous qui travaillez dans la presse pensez-vous que ce sujet soit suffisamment et correctement médiatisé ?

Quand Simon était petit, ce sujet n'était pas du tout médiatisé; c'est pour ça que nous nous sommes sentis tout seuls. Je trouve qu'il l'est de plus en plus. Beaucoup de parents aujourd'hui contactent les journalistes quand l'AVS promis n'est pas là; quand ils n'arrivent pas à trouver des établissements pour leurs enfants. Tous les journalistes connaissent dans leur entourage un enfant autiste ou dyspraxique qui connait un parcours scolaire chaotique et aujourd'hui, beaucoup d'articles traitent de ce sujet. Ce qui manque aujourd'hui, c'est le point de vue des enseignants. En tant que maman, j'étais bien placée pour voir que la volonté ne suffit pas toujours, même si elle est essentielle. Les enseignants manquent de temps, de formation pour qu'il y ait une véritable inclusion scolaire. Il y a des adaptations nécessaires pour Simon que je n'ose pas demander aux enseignants par peur de les surcharger encore plus. C'est un vrai problème.

Que pensez-vous de la concertation lancée par Monsieur Blanquer et Madame Cluzel le 22 octobre dernier ?

Vous semble-t-elle à la hauteur des enjeux ?

Je ne me prononcerai que lorsque la concertation aura donné lieu à des actions. Mais à priori, il y a une volonté réelle de la part de Sophie Cluzel de faire évoluer les choses. J'ai confiance...

Avec une amie AESH et une autre ex-AESH nous avons créé récemment ce blog consacré à l'inclusion scolaire avec des réflexions, des témoignages, des notes de lecture ou critiques de films. En tant que parent quels thèmes aimeriez -vous y voir traités ?

J'aimerais bien trouver des témoignages d'enseignants et d'AESH sur leurs expériences avec les enfants différents. Des articles sur des écoles, des collèges qui mettent en place des pédagogies adaptées aux enfants différents.

Enfin comme votre livre est une véritable déclaration d'amour à votre fils Simon que nous rencontrons avec joie au fil des pages, je voulais vous demander comment il va et comment se poursuit sa scolarité.

A-t-il des projets dans le domaine musical qu'il affectionne tant ?

Il est aujourd'hui en 5ème dans un collège "bienveillant" qui accueille des enfants ayant des difficultés scolaires de tous types. Nous espérons qu'il pourra y poursuivre sa scolarité jusqu'en 3e. Il rêve toujours d'être chanteur ou animateur radio. La musique reste sa principale passion.