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· DIALOGUE

Valérie Legras, architecte d'un intérieur résolument optimiste

J'ai découvert Valérie Legras sur le podcast Génération XX et j'ai été très touchée par son parcours et sa vision résolument optimiste de l'existence.
Valérie a vécu à Epernay, ville de Champagne dont elle est originaire, et s'est installée à la Nouvelle -Orléans il y a une douzaine d'années. Avant d'ouvrir son cabinet d'architecture intérieure elle a donné des cours de cuisine française chez elle à des femmes américaines.
J'ai eu envie de l'interviewer autour du parcours d'un de ses fils qui a eu une maladie génétique et qu'elle a accompagné scolairement d'une manière très créative. Il y a de la joie dans la voix de Valérie. Après avoir échangé avec elle pendant une heure au téléphone je me sentais pleine d'énergie tant son enthousiasme est communicatif. Pour elle la vie, dans ses bonheurs et ses épreuves, semble être avant tout une formidable aventure.

Votre fils aîné a eu, suite à une maladie génétique, des problèmes neurologiques qui ont occasionné des troubles apparentés à ceux des enfants dyslexiques. Vous êtes allée avec lui à Philadelphie pour y suivre le programme du Docteur Glenn Doman, pourriez-vous nous raconter cette expérience ?

Suite à ses problèmes de santé, mon fils était hypersensible tactile et auditif et sa perception était déformée non à cause de la vision mais du traitement des données par le cerveau. Quand il avait six ans j’ai entendu Jean-Pierre Papin parler à la télévision d’un programme qu’il avait suivi pour sa fille à Philadelphie et j’ai décidé d’y inscrire mon fils. C’est un programme de stimulation intensive (huit heures par jour) qui consiste à réactiver les cellules dormantes. Nous allions à Philadelphie deux fois par an et tous les trois mois nous devions envoyer un rapport très détaillé des progrès et des acquisitions. Ce programme a été très efficace.

Vous faisiez donc des allers-retours entre la France où vous habitiez et les Etats-Unis, sur quelles ressources vous êtes-vous appuyée dans ces moments difficiles ?

J’ai été très soutenue par les grands-parents de mes enfants. Je devais m’occuper des enfants à 500 %. Mon fils cadet a développé la même maladie génétique mais en a moins souffert car nous avons pu réagir à temps, grâce à l’expérience acquise avec notre aîné. A Philadelphie j’ai rencontré des parents du monde entier, dont certains faisaient partie d’associations. Mais c’était il y a 20 ans et il n’y avait pas les forums, les échanges nombreux permis par Internet aujourd’hui.

Comme de nombreuses femmes dans ce cas-là vous avez dû vous arrêter de travailler pour vous consacrer à vos enfants et aux besoins spécifiques de votre aîné. J'aime beaucoup la façon que vous avez de considérer l'éducation des enfants comme un deuxième business. Vous avez fait pendant un moment l'école à la maison et vous avez dû être créative car votre fils avait une manière particulière d'apprendre. Comment procédiez-vous ?

Oui je trouve qu’être mère au foyer et s’occuper de ses enfants est très exigeant, comme un business. Il faut faire preuve de patience, déployer beaucoup d’énergie et se montrer créative. C’est un travail à haute responsabilité qu’il faut valoriser.

J’ai déscolarisé mon fils aîné en France. Lorsqu’il était en maternelle, je voyais qu’il fonctionnait différemment des autres enfants. Je lui ai donc appris à lire en avance avec la méthode Boscher car je ne voulais pas qu’il rate le cap du CP. Nous avons tenté le CP mais au bout d’une semaine la maîtresse m’a dit : « Votre enfant est tout à fait inapte aux études. ». Cela a été d’une violence inouïe. Je lui ai donc fait l’école à la maison, en créant des livres adaptés, des livres géants avec seulement 6 mots au départ puis progressivement je les ai réduits.

Vous trouvez le système scolaire français étriqué car on y met les enfants dans des cases. Je suis enseignante et je partage votre vision. Le système scolaire américain est-il plus ouvert ? Les enfants différents y sont-ils mieux accueillis et accompagnés dans leurs besoins spécifiques ?

J’ai rencontré des problèmes similaires aux Etats-Unis. Je me souviens qu’on m’a asséné, à la fin d’une réunion avec l’équipe éducative et le centre de soins, que mon fils, alors de 10 ans, ne ferait jamais d’études. J’ai alors monté un dossier médical et embauché un « learning consultant » dont le travail est de trouver des écoles adaptées à un enfant. J’ai trouvé une école dans le Nord des Etats-Unis, qui avait un programme de travail très développé sur l’estime de soi. Les classes étaient très petites et l’enseignement individualisé. Mon fils y était en internat et ça s’est très bien passé.J’ai payé cette scolarité à 100 % parce que la Louisiane est un état avec un budget très limité donc le gouvernement n’a pas les moyens pour subventionner un tel cursus mais dans certains états les familles peuvent bénéficier d’une aide à100%. Il y avait donc des enfants de divers milieux sociaux.

 

Comment votre fils va-t-il aujourd'hui et quel conseil pourriez-vous donner à d'autres parents qui peuvent traverser des moments difficiles comme ceux que vous avez vécus ?

Mon fils va très bien. Il a passé un équivalent du baccalauréat avec des adaptations et il étudie maintenant dans une école du style des Compagnons du devoir.

Ces épreuves ont été des moments très difficiles mais pour moi ça a toujours été aussi une richesse. Et l’envie de travailler pour les enfants différents ne m’a jamais quittée. Avec une autre architecte intérieure nous sommes actuellement en train de monter un projet « Giving by design ». L’idée étant de redécorer les chambres des enfants qui y passent toutes leurs journées à cause de leur maladie, ainsi que celles de leurs frères et sœurs. La vie est courte et il y a tellement de choses à faire !

Propos recueillis par Cécile Glasman