Ma fille voulait mettre son doigt dans le nez des autres , Maxime Gillio.
Je n’avais pas entendu parler du livre de Maxime Gillio, « Ma fille voulait mettre son doigt dans le nez des autres » publié en 2017 aux éditions Pygmalion. Je l’ai découvert par hasard en faisant des recherches.
Heureusement car il aurait été dommage de passer à côté d’un tel récit. Le témoignage de cet auteur de polars, ancien prof, sur sa fille autiste, Gabrielle, est un mélange savoureux de pudeur, de tendresse et d’humour.
J’ai lu de nombreux témoignages de parents mais jamais je ne me lasse d’en découvrir de nouveaux.
Chaque auteur a son style et son ton propres, chaque personne aborde le sujet d’un point de vue singulier.
Deux aspects m’ont particulièrement touchée et marquée dans le livre de Maxime Gillio.
D’abord le récit qu’il fait de la manière dont un manque de communication, une inclusion mal préparée en amont par l’établissement, peuvent gâcher l’année scolaire d’une élève et lui faire perdre la confiance acquise précédemment. Gabrielle avait passé cinq belles années en CLIS mais les choses se sont assombries lorsqu’elle est arrivée en 6ème. La direction n’avait pas informé les professeurs de sa venue, alors même que les parents avaient fait un travail serré de communication et de préparation avant l’été : « Cette rentrée aurait dû se présenter avec tous les voyants au vert. A bien y réfléchir, cinq ans plus tard, nous avions vraiment anticipé tout ce qu’il était possible d’anticiper à notre niveau : rencontres, réunions, disponibilité, etc (…) Cruelle désillusion. J’aurai l’occasion, dans la suite de ce texte, de rappeler tout ce que tu as traversé cette première année, ma chérie. La pression que tu as subie, le manque d’accompagnement, tes craquages inévitables, l’humiliation, pour toi comme pour nous, les courriers de parents réclamant ton renvoi de l’établissement, nos nuits blanches, les solutions à la petite semaine, pansements sur la jambe de bois d’une administration bancale, fautive. ». Les dégâts pour Gabrielle seront énormes : elle qui avait passé la totalité de son CM2 en classe ordinaire, faisait de la natation et de la danse, avait des copines, va se retrouver à plein temps en ULIS, marginalisée, puis devoir changer d’établissement et aller dans un collège privé, où elle sera à un moment harcelée sur Facebook par des élèves de sa classe.
Maxime Gillio évoque l’adolescence de sa fille sans détour et c’est un point que j’ai trouvé passionnant également. Il explique à quel point la découverte de la sexualité peut être déstabilisante et bouleversante pour une personne autiste, qui éprouve des difficultés à trier et hiérarchiser les informations.
Gabrielle était devenue à la fois celle qui pouvait faire peur et déranger par ses comportements provocants et celle que les autres pouvaient manipuler. Le rapport aux camarades est compliqué : Gabrielle a tendance à être exclusive et jalouse dans ses amitiés, il est difficile pour elle de trouver un équilibre dans les relations avec ses copines. Je trouve extrêmement courageux de la part d’un père d’évoquer ces aspects-là, sans tabou, en regardant la réalité en face, et de relater avec une telle sincérité des épisodes très douloureux.
Ce livre est une véritable déclaration d’amour d’un père à sa fille. Un père qui souffre de ses silences d’adolescente, qui s’inquiète pour son avenir, qui se réjouit quand elle se joint à lui pour regarder la Coupe du Monde de football, qui propose de l’accompagner en voyage scolaire à Venise pour qu’elle ne soit pas exclue de cette belle aventure à partager avec ses camarades. Un père qui ne se départit jamais de cet humour vivifiant qui infuse toutes les pages de son récit :
« Est-ce que t'avoir écrit changera quelque chose?
Je ne sais pas encore, mais sache que ça m’aura fait du bien
de les écrire, et qu’avec l’argent du psy que j’aurai économisé,
je pourrai t’emmener au MacDo. Laisse-moi deviner :
tu vas prendre un McFlurry en dessert, mais sans cacahuètes, tu es allergique aux arachides. Oui, tu es autiste ET allergique. Tu ne serais pas un peu chiante, des fois ? »
Cécile G.