Entretien avec Alexia Quercy, auteur de la série des "Florette coquinette" par Cécile
Vous êtes éducatrice Montessori, pouvez-vous nous parler de votre utilisation de cette pédagogie auprès des enfants différents ? Qu'apporte-t-elle ?
Bonjour, je suis éducatrice Montessori depuis 10 ans dont 6 ans auprès d'enfants différents. J'accompagne des enfants dys, thada, autistes, trisomiques dans leurs apprentissages de la maternelle au collège.
Le Docteur Maria Montessori, pédagogue a étudié pendant 50 ans les enfants en difficulté d'apprentissage. C'est grâce à eux qu'elle a mis au point cette méthode d'enseignement en 1907. C'est par la manipulation d'un matériel adapté que l'enfant retrouve la confiance et l'autonomie.
Cette pédagogie est extraordinaire car elle permet d'apprendre le calcul, la lecture, l'écriture aux enfants différents en faisant appel à leurs 5 sens. Après avoir établi un bilan personnalisé des difficultés de l'enfant liées à son handicap, je prépare un plan d'action personnalisé en utilisant tel ou tel matériel, et fixe avec les parents des axes de progrès à atteindre dans tel ou tel domaine.
Elle permet de mieux comprendre l'enfant en l'accompagnant à son rythme, dans son comportement et ses apprentissages, lui redonne confiance et autonomie dans les gestes, le corps et l'esprit. Elle est un précieux soutien au langage oral, écrit et pour le calcul.
Quels souvenirs avez-vous de votre travail d'AVS ? Quels ont été les points positifs et les aspects plus compliqués ?
Cela a été une expérience dure mais très riche. Dure parce que l'accompagnement de ce petit garçon trisomique était exigeant physiquement. Riche parce qu'être disponible pour l'accompagner dans son cheminement personnel demandait beaucoup d'observation et d'adaptation. Cela nous a nourris ce petit garçon et moi. Riche aussi, car ce petit garçon était sans filtre et ses amis ont grandi à son contact. Moi aussi. Cela m'a permis de réaliser qu'un enfant différent ne laisse pas indifférent à l'école. Cette différence est essentielle car elle apprend aux autres à se dépasser eux-mêmes.
Quand un enfant différent est présent dans un groupe, il y a don et le don amène la joie. D'ailleurs, bien des enfants ont essayé d'imiter ce petit garçon pour mieux le comprendre !
Le point le plus compliqué a été justement le constat du manque d'outil de communication,
pour les enseignants, les enfants, et moi même en tant qu'AESH à l'époque pour expliquer la différence
de ce petit garçon.
La sensibilisation avec quelques livres ne suffit pas. L'éducation à la différence est essentielle, c'est à dire l'invitation, l'implication de l'enfant à agir envers son ami différent. Cette implication de l'élève peut amener l'enseignant, l'AESH, à mieux appréhender le monde du handicap et faciliter l'intégration de l'enfant différent.
Vous avez une petite fille trisomique. Comment se passe sa scolarisation ? Quels points vous semblent
à améliorer dans l’inclusion scolaire ?
Oui elle s'appelle Flore et est âgée de 5 ans. Nous avons de la chance, sa scolarisation se passe très bien. L'équipe enseignante a bien préparé son accueil et l'école a l'habitude d'accueillir des enfants différents. Il y a une bonne communication avec l'équipe du SESSAD, ce qui rassure les enseignants
Les points à améliorer dans l'inclusion scolaire :
• Le changement en profondeur du regard de la société sur le handicap. Tous les acteurs autour de l'enfant sont concernés par ce changement : les parents, les élèves à l'école, les enseignants. Pour changer ce regard, communiquer est essentiel pour faire tomber les préjugés qui engendrent le rejet, les peurs.
L'école a un rôle essentiel à jouer en éduquant les élèves à la différence dès la maternelle. Entre 5 et 8 ans,
le raisonnement se construit et un enfant préparé à vivre avec un camarade différent sera un adulte ouvert
prêt à tendre la main à frère, une soeur, un travailleur handicapé !
• Passer de la sensibilisation à l'éducation à la différence.
• La disponibilité immédiate des AESH à l'entrée en collectivité de l'enfant différent
• L'accueil de l'enfant handicapé avec des AESH plus formés sur le fonctionnement d'un enfant différent et les enjeux qu'engendre l'inclusion d'un enfant différent dans le groupe.
Pourquoi avez-vous décidé d'écrire la série des " Florette Coquinette » ?
• Pour faire se rejoindre 2 mondes qui n'aspirent qu'à mieux vivre ensemble.
Pour mettre fin aux incompréhensions, aux jugements, voire aux rejets des enfants vis-à-vis de leur camarade différent qui commencent dès l'école.
• Pour aider les enfants handicapés à mieux se connaître et à mieux grandir en collectivité avec leurs fragilités, les familles à dédramatiser le handicap de leur enfant à toutes les générations, et les frères et soeurs à mieux comprendre leurs frères/soeurs différent(es). On a peur de ce que l'on ne connaît pas.
• Pour mettre à disposition des enseignants de maternelle et primaire un outil de communication qui puisse faire réfléchir les enfants sur le fonctionnement d'un enfant différent avec des mots simples et préparer l'accueil d'un élève différent.
Trouvez -vous que la question de l'inclusion soit suffisamment et correctement médiatisée ?
En tout cas, nous commençons à parler d'inclusion depuis peu et les initiatives se multiplient. Les médias ont un rôle très important d'amplificateur des actions menées en faveur de l'inclusion.