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· DIALOGUE

Entretien avec Florent Chapel: lancement le 2 avril d' une plateforme nationale:

"Autisme Info Service"

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J’ai d’abord fait votre connaissance avec votre livre « Autisme: la grande enquête » qui dressait un état des lieux accablant sur la prise en charge de l’autisme en France.

AESH travaillant auprès d’enfants porteurs d’autisme à l’école, je suis en prise directe avec les souffrances conjuguées des parents, des enseignants, des AESH démunis en tous points, et des enfants eux-mêmes in fine. Quelle est votre opinion sur la Concertation « Ensemble pour une école inclusive » lancée par Jean Michel Blanquer et Sophie Cluzel ?

Je n’ai pas une opinion prédéfinie. J’ai rendez-vous prochainement avec Claire Compagnon, déléguée interministérielle à la stratégie nationale pour l'autisme.

J’ai rencontré Sophie Cluzel. Je pense qu’un grand pas a été franchi car la question du handicap et de la prise en charge de l’autisme est maintenant un véritable sujet.

C’était loin d’être le cas lorsque je me suis attelé à cette tâche. Les instances dirigeantes sont maintenant plus compréhensives et commencent à envisager sérieusement l’inclusion comme un plus pour tous. La question est abordée de façon positive.

Je m’étais déjà battu sur deux sujets cruciaux, « 80% des enfant autistes seulement sont scolarisés » ainsi que pour faire appliquer les bonnes pratiques recommandées par l’HAS (Haute Autorité de santé).

Maintenant, la majorité des petites et grandes associations sont toutes au fait de ces bonnes pratiques. ASF (Autistes sans Frontière) qui regroupe 36 associations obtient d’excellents résultats.

J’ai de l’estime pour le travail d’enseignants. En revanche beaucoup trop ne pratiquent pas encore l’inclusion de bon cœur ! Je pense qu’il y aurait bien des choses à réformer pour que les résultats de l’Ecole soient améliorés significativement. Il y a 10 ans Autistes sans Frontière a fait un travail de pionnier, en obtenant de laisser pénétrer au sein de l’école des AVS, des éducateurs privés formés. Même si nous avions l’amertume de devoir financer nous-même cette prise en charge, la vertu de ce combat a été d’être couronné de succès. L’école a constaté que notre procédé marchait.

Nous avons réussi à faire adopter une Convention Nationale entre l’Etat et Autisme France .

Aujourd’hui l’école a compris qu’elle devait accueillir ces enfants, cependant elle les rejette trop souvent.

La grande majorité des enseignants est sur la défensive. Il y a cependant des écoles, des directeurs, des enseignants qui décident d’en faire leur affaire. Ils conçoivent l’inclusion de ces enfants comme une priorité.

Ce sont des sortes de résistants qui choisissent de braver les obstacles, d’innover, pour donner leur place à ces enfants différents. Cela repose souvent sur une bonne volonté individuelle. Comme c’est le cas pour le directeur qui a accueilli mon fils. C’était pour lui une véritable mission.

Il y a maintenant en France un bon tissu associatif qui se bat au quotidien en respectant les pratiques indiquées par la HAS. Ces petites et grandes associations qui ont débuté avec parfois des bouts de ficelle montent en puissance. Un énorme boulot a déjà été abattu. Cependant, ce système doit s’industrialiser. C’est une véritable ingénierie qu’il faut mettre en place. Pour former, informer et accompagner les familles. Les personnels des CMPP, les CAMSP ne sont pas toujours correctement formés, mais nombre de personnes dégourdies y font cependant un bon travail. Il y a des inégalités dans ce maillage sur le territoire, dans le Pas-de-Calais, par exemple, il y a peu de professionnels formés à ce handicap spécifique. Les lacunes de cette prise en charge retentissent alors sur l’école qui voit des échecs sur les élèves censés être suivis.

Enfin l’inégalité sociale est un facteur révoltant dans la prise en charge des enfants porteurs d’autisme.

Pour que mon fils soit convenablement accompagné, nous avons déboursé jusqu’à 3000€ par mois.

Ces montants constituent une charge insoutenable pour nombre de familles et laissent la majorité exclue des accompagnements pourtant essentiels au bon développement de leur enfant.

Les grandes associations doivent occuper une plus grande place, celle de fer de lance de ce combat. Pour donner un ordre de grandeur AIDES a 80 salariés pour environ 150 000 malades quand certaines grandes associations n’ont que seulement 2 salariés pour 700 000 personnes touchées par l’autisme.

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Vous avez conçu l’excellente statégie RP des Cafés Joyeux fondés par Yann Bucaille. Vos actions ainsi liées misent sur le même pari : donner un emploi aux personnes handicapées tout en contribuant à changer les mentalités. Cette joyeuse réussite a d’ores et déjà suscité beaucoup de curiosité et fait couler beaucoup d’encre élogieuse.

Grands et petits médias adhèrent et se disputent pour relayer ces infos colorées et joyeuses.

On ne va pas au Café Joyeux pour faire une bonne action, mais parce que c’est branché.

Pensez-vous que ce modèle va donner des idées à d’autres entrepreneurs ?

Ce projet Café Joyeux a la valeur de l’exemple. Comme Andros qui a intégré avec succès des autistes dans une

de ses unités de production.

Ceux qui fréquentent les Cafés Joyeux n’y entrent effectivement pas pour faire leur BA.

C’était un angle essentiel pour réellement insérer ces employés différents. Ce modèle a vocation à essaimer.

Il donne à côtoyer des gens atypiques, différents, dans le milieu ordinaire. Ce qui pouvait dérouter devient finalement source d’enrichissement pour tous.

L’école est devenue obligatoire pour les enfants handicapés. Il s’agit maintenant de leur offrir une fois adultes la place qui leur revient dans le monde du travail et au sein de la société.

Vous lancez le 2 avril prochain « Autisme Info Service », une plateforme efficace cofondée avec Samuel

Le Bihan.

Ce sera une plateforme téléphonique d'aide et d'écoute au service des familles, des professionnels et des personnes autistes. Elle sera un soutien pour les aidants, répondra aux questions et gérera les ressources.

Le service se basera sur les recommandations de bonnes pratiques de la HAS (Haute autorité de santé)

Près de 700 000 personnes sont concernées en France, dont certaines dans des situations dramatiques.

Ce numéro sera susceptible de sauver bien des familles qui errent dans des méandres inextricables d’informations contradictoires ou erronées, quand elles ne s’y perdent pas définitivement.

Pensez-vous que ce numéro d’urgence deviendra un jour pour tous un simple numéro d’information ?

Pour assurer ce service d'envergure nationale une équipe de 4 répondantes sera encadrée par une déléguée générale.

Il y aura 5 salariés au total et 16 experts associés. Ce sera le moyen pour les familles de gagner du temps pour trouver les associations compétentes, les AESH formés. Cela facilitera leur organisation, leurs démarches.

Cette plateforme s’adressera également aux différents intervenants, les travailleurs médico-sociaux,

les professionnels de la santé et de l'éducation.

Autisme Info Service pourra fermer lorsque tout le monde sera bien informé et pris en charge correctement.

Ce n'est pas le cas aujourd'hui. En 2010, un sondage du Collectif autisme France révélait que 80% des Français pensaient qu'il y avait moins de 10 000 autistes en France. On est loin de la réalité.

Enfin, comment va votre fils Galaad aujourd’hui ?

Mon fils a 13 ans, il est en Ulis accompagné par un éducateur à temps plein. Il parle, il est heureux, il joue de la batterie, il fait du tennis. Même si ses troubles sont encore importants, cela n’a plus rien à voir avec ceux dont il souffrait petit. S’il n’avait pas été pris en charge, il serait sans doute enfermé à vie dans un hôpital comme c’est le cas pour d’autres enfants. Ce scandale est en outre une double hérésie puisqu’il coûte une fortune à la société, alors qu’une bonne prise en charge précoce est en définitive source d’économie pour la société.

Quand mon fils est arrivé à l’école, on l’a tout d’abord regardé de travers.

Quand il est reparti, trois ans après, le directeur m’a confié « Grâce à lui, notre école a changé » Galaad allait être regretté.

C’est un peu comme pour le Nord; on pleure deux fois, la première en y arrivant, puis la seconde au moment de le quitter…

Sabine K.