Entretien avec Suzanne Meyer, danseuse et enseignante de la méthode Contakids par Cécile.
Pourriez-vous nous présenter la méthode Contakids ?
La pédagogie Contakids est issue des expériences de Itay Yatuv avec sa propre fille. C’est inspiré de la danse contact (discipline qui se pratique entre adultes de même taille et de même corpulence). Itay improvisait avec sa fille naturellement et face à l’engouement et à la demande incessante des gens de lui transmettre ce savoir, il a mis en place une méthodologie qu’il a nommée Contakids.
Il s’agit d’un temps de jeux, pendant 45 min, à partager avec son enfant (entre 2 et 4 ans). On y explore des thèmes comme le contact physique, l’espace et le mouvement. La singularité de cette méthode est que le parent est placé au cœur de l’atelier, il y participe pleinement.
Dans quelles circonstances s’est faite votre rencontre avec cette méthode ?
J’ai rencontré cette méthode lors d’un voyage en Italie où Contakids est très développé.
Je suis allée voir un atelier avec ma fille en spectateur car elle était trop jeune pour y participer à l’époque,
et j’ai été très émue par ce que j’ai vu.
Je suis venue observer une séance que vous animiez et j'ai été frappée par la liberté et le respect de l'énergie du moment des enfants. Vous expliquez aux parents en début de séance que les enfants sont libres de se joindre aux exercices quand c'est le moment pour eux. Je vous ai observée et j'ai admiré votre présence à ce qui advenait -excitation des enfants, pleurs- et la manière dont vous mettiez des mots sur l’émotion qui pouvait traverser l’un d’entre eux. Comment vous préparez-vous à l'animation de ces séances qui doivent vous demander une grande concentration et une énergie importante ? J’imagine que votre métier de danseuse et l’exigence physique et mentale qu’il demande vous aident aussi…
La liberté au sein d’un atelier et vraiment la clé du succès. Les enfants reçoivent toute la journée des pressions liées à nos planning et nos contraintes du quotidien. S’habiller car il fait froid, se dépêcher pour ne pas être en retard, temps de jeux ou temps de repas, temps de sommeil. Tout ceci est bien normal, toutefois on oublie parfois que nous leur imposons ce planning. Comme nous nous l’imposons d’ailleurs! En tant qu’adultes, nous y sommes devenus habitués, mais pour eux qui suivent leur instinct ou ce que leur corps leur demande c’est parfois plus difficile. Ils peuvent avoir faim avant « l’heure », ou ils ont envie de jouer au moment où ne sommes pas disponibles et tout ça peut créer des tensions de part et d’autre. L’atelier Contakids permet de consacrer un temps et un lieu pendant lesquels on essaye de ne pas avoir d’attentes. Il n’y a pas d’obligation de participer. Il n’y a pas d’injonction à faire un exercice ou à se taire. C’est un espace de respiration. On invite les enfants à nous rejoindre à cet événement. Et en général, ils ne tardent pas à y participer activement. L’équilibre des dynamiques de l’atelier est donc soumis aux humeurs, aux énergies des uns et des autres, et de celui du groupe bien-sûr. La formation Contakids prépare les enseignants à rebondir, s’adapter, et éveiller leur seuil de conscience afin de conduire au mieux chaque individu, et in fine, le groupe, à profiter au mieux de la proposition.
Les séances me demandent en effet beaucoup de concentration et d’énergie. Je pense que je ne pourrais pas en animer plus de 2 par jour! Toutefois, plus le temps avance, plus l’expérience joue son rôle et cela devient de plus en plus fluide pour moi.
Mon métier de danseuse m’a certainement permis d’être sensible au mouvement et à l’approche Contakids en général, mais c’est la maternité et la relation avec ma fille qui m’a véritablement permis de soutenir la réflexion que propose Contakids. D’en faire une expérience intime avant de pouvoir le partager avec d’autres parents m’a semblé utile.
Quels retours vous font les parents après les séances ?
Souvent les parents me rapportent plutôt les mots de leurs enfants, ce qui est très agréable et adorable. Comme on le sait, la perception des enfants et leur manière à eux de s’exprimer rend les choses très touchantes.
J’avoue que j’aimerais beaucoup que les parents soient aussi bavards sur leurs sensations à eux…
Vous pratiquez vous-même avec votre petite fille, Gisèle. Qu’est-ce que cette méthode a apporté à votre relation et qu'a-t-elle changé dans votre quotidien ?
Contakids c’est notre moment à nous. On le fait tous les jours, et il n’y a pas de limite de lieu: à la maison, dehors, à la plage, en vacances… Quand Gisèle voit un grand espace, pour elle c’est d’emblée une invitation à la danse, et au contact avec moi.
Ca nous a sorti de situations parfois complexes… par exemple: elle ne veut plus avancer dans la rue, on utilise le contrepoids et on se pousse l’une et l’autre jusqu’à la maison. Plutôt que cristalliser un problème, parfois le transformer en jeu peut aider.
Par ailleurs, c’était une petite fille qui avait des difficultés à prendre confiance en son corps et en ses capacités motrices. Elle a marché assez tard (17mois) et j’ai constaté que de pratiquer des jeux de contakids l’a beaucoup accompagnée, elle était moins frustrée, elle augmentait ses capacités motrices chaque fois un peu plus.
Côté parent, je peux vous assurer qu’entendre rire son enfant comme cela pourrait durer des heures. Notre joie passe par la leur… c’est un amour qui circule et cela est très apaisant, rassurant.
Itay dit que Contakids permet de créer une autre chaîne de communication, différente du langage. Après 2 ans de pratique avec Gisèle, je peux assurer que cela est vrai pour moi.
Parfois avec Gisèle, on ne communique qu’avec le corps. C’est très précieux, c’est ce que font les parents avec leurs bébés en fait, quand ils ne savent pas encore parler. C’est en général une expérience assez puissante, même si on est d’accord, elle ne comble pas tout!
Vous m'avez raconté que certains enfants avec des troubles de l'attention avaient participé à des séances. Quels bénéfices en ont-ils retirés ?
Les enfants hyperactifs apprécient particulièrement la proposition Contakids, et leurs parents également. Pendant 45 min, on leur permet d’être eux-mêmes.
Le soir après un atelier, tout est plus facile: le bain, le dîner. C’est plus fluide, car ils ont pu se dépenser ensemble.
Bien-sûr plus les ateliers seront pratiqués régulièrement, plus les bénéfices pourront s’installer en profondeur.
L’idéal est de faire 8/10 ateliers entre la période 2/4ans, pour que l’évolution ait l’espace de se faire.
Avez-vous de nouveaux projets liés à Contakids ?
Oui, Contakids grandit, je reçois des demandes de collaborations avec des mairies, des écoles, des communes; ce sera l’objectif de l’année prochaine.