Entretien avec Yvon Roy, auteur de "Les petites victoires" par Cécile.
Dans cette bande-dessinée c'est votre histoire que vous racontez mais à travers d'autres personnages dans une narration à la première personne. Pourriez-vous nous expliquer ce choix, que vous évoquez dans le commentaire des esquisses préparatoires à la fin du livre ? Était-ce une manière de garder une distance pour mieux raconter ou alors pour pouvoir fictionner certains épisodes ?
Peut-être par pudeur. Cette distance, même symbolique, m’a donné un confort pour raconter, un confort que je crois être partagé par le lecteur.
Vous avez utilisé une méthode très intéressante avec votre fils pour le faire sortir de ses peurs et de ses routines liées à l'autisme. Alors que d'un autre côté l'assistante sociale vous conseillait par exemple de mettre en place un agenda visuel pour lui donner des repères.
J'ai eu à plusieurs reprises des élèves autistes dans ma classe et on me demande en général d'aller dans ce sens. Comment trouver l'équilibre ? Que pourriez-vous me conseiller pour justement travailler aussi avec mes élèves dans la direction de votre méthode ?
Je crois qu’il faut certainement respecter les procédures installées par les spécialistes, elles sont utiles, voire nécessaires, tout en se gardant un peu de temps avec les gamins pour explorer d’autres avenues.
Le premier message des «Petites Victoires» demeure celui d’explorer et de se faire confiance comme aidant/parent. Croire en soi et, encore plus important, croire aux possibilités du gamin, en particulier à la capacité d’adaptation. Une intervenante m’a raconté qu’elle utilisait les méthodes proposées par les institutions mais forçait régulièrement le gamin à s’en passer pour une période de temps, qu’à force, le gamin gagnait en autonomie. Si je résume: faites-vous confiance, explorez, jouez.
Y a-t-il des livres qui vous ont particulièrement aidé dans votre compréhension de l'autisme ?
Aucun en particulier, il faut dire que j’en ai lus peu. Comme parent, je voulais conserver un regard neutre ouvert et sans à priori face à sa véritable identité humaine. C’est mon fils qui m’a fait comprendre son autisme.
En France on parle beaucoup cette année de l'inclusion scolaire : le ministre de l'Education Nationale et la Secrétaire d'Etat aux Personnes Handicapées ont lancé une concertation sur le sujet. On déplore ici la précarité des accompagnants, leur manque de formation appropriée, leurs conditions de travail.
Comment cela se passe-t-il au Canada ? Les enfants extra-ordinaires sont-ils bien intégrés dans le système scolaire ?
Oui, très bien, et des ressources ont été affectées pour faire de cette intégration une merveilleuse réussite.
Tous les enfants autistes ne peuvent pas s’intégrer, mais dès qu’il y a une possibilité, elle est saisie.
J'ai beaucoup aimé la poésie de votre dessin. Certains passages m'ont fait penser au travail du mangaka Jiro Taniguchi. Cette référence vous parle-t-elle ? Quelles sont vos influences ?
J’aime beaucoup Taniguchi, F. Peeters aussi, autrement, je suis un enfant de Pratt qui a bercé ma jeunesse.
Votre fils est maintenant adolescent. Comment va-t-il ? Comment a-t-il reçu " Les petites victoires" ?
Mon fils va bien, il mène une vie agréablement normale d’un point de vue social, familial et académique, il est très fier de ce livre qui parle de notre aventure.
Désormais, il me dépasse d’une demi-tête, il sera un homme dans quelques années.