La cause des autistes, Sophie Janois.
« La cause des autistes » de Sophie Janois, publié aux éditions Payot en 2018, est un coup de poing.
On n’en sort pas indemne. Tant mieux. C’est important d’être secoué parfois. Dès l’introduction l’auteure nous prévient :
« Je vais vous faire plonger dans l’eau noire d’un univers fait
de trésors et de cruautés, celui du combat légitime
de parents pour leur enfant. Inspirez, bloquez, sautez. Gardez les yeux grands ouverts surtout, même quand ça pique ».
J’ai commencé ce livre et je n’ai plus pu le lâcher. On est happé par les histoires des clients de Sophie Janois, avocate qui défend les parents d’enfants autistes contre l’État qui non seulement les abandonne mais en outre les accable parfois. On est bouleversé, choqué, révolté de voir les difficultés abyssales que peuvent vivre au quotidien ces familles.
Sophie Janois dénonce le retard du diagnostic, les soins inadaptés, le droit à la scolarisation bafoué, le lenteurs administratives, la suppression des aides sous des prétextes fallacieux, l’absence d’objectivité de l’Aide Sociale à l’Enfance, l’incompétence de certains médecins experts dans les tribunaux, les retraits abusifs de la garde de leur enfant à certains parents. Elle raconte les histoires de ses clients, l’enfer qu’est devenu leur quotidien, l’énergie du désespoir qu’ils doivent déployer pour aider leur enfant, les nuits passées à remplir des dossiers, les journées à courir d’un spécialiste à l’autre, leur combat face à la justice pour voir leurs droits enfin respectés. Des histoires qui se finissent parfois de façon dramatique : « « Maître, je vous en supplie, aidez-moi ! Si vous ne pouvez pas m’aider, je vais tuer mon enfant et je me suiciderai ensuite » Ces phrases je les ai entendues des dizaines de fois. Ce ne sont pas des mots en l’air, ils ont mis du temps à émerger. Ils sortent lorsque la fatigue et l’horreur se sont installées chez soi et que des murs se sont érigés entre vous et le reste du monde . »
Ce n’est pas un livre de droit qu’a écrit Sophie Janois, pas un ouvrage de spécialiste.
Dans une langue claire et fluide elle témoigne juste de la façon dont la vie de personnes ordinaires
peut basculer dans le cauchemar. Et raconte comment les institutions françaises les ont abandonnées.
L’avocate donne également des conseils aux parents d’enfants autistes, leur rappelle leurs droits, qu’ils ignorent parfois : celui d’être présents lors de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées
(CDAPH), celui de demander réparation à l’Etat quand la personne est orientée vers un établissement médico-social mais qu’il n’y a pas de place, celui encore pour un représentant légal de choisir son praticien.
Dans ce cri de colère et de révolte il y aussi de belles rencontres qui malgré tout donnent de l’espoir : une juge courageuse et à l’écoute qui ose se démarquer de l’avis du médecin expert, la mobilisation soudée des associations dans l’affaire Rachel et puis les tout jeunes clients de l’avocate : « J’ai la chance de voir des enfants extraordinaires faire de mes audiences des aventures. »
On finit le livre de Sophie Janois les yeux rouges et brûlés certes, mais avec une conscience humaine et citoyenne aiguisée et le sentiment puissant de devoir redoubler de vigilance.
Cécile G.