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Le royaume de Tristan, Anne-Sophie Ferry

Guide de survie d'une maman face à l'autisme

· LECTURES ET FILMS
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Je termine « Le royaume de Tristan » d’Anne-Sophie Ferry (Michalon Editeur, 2015) bouleversée, secouée et éblouie. Ce livre, d’une richesse incroyable, est gigogne.

C’est d’abord une histoire d’amour : celle d’une mère qui va se battre pour sortir son fils, Tristan, autiste, de l’enfer de l’hôpital psychiatrique puis pour l’aider à communiquer et à apprendre. Anne-Sophie Ferry dit la solitude de son quotidien avec son fils dans un village de campagne, sans relais et avec l’hostilité des voisins qui se complaisent dans d’affreuses médisances. Elle évoque les longues promenades en forêt pour que son fils puisse courir, les virées en voiture quand il n’y a plus que cette solution pour le calmer, les journées sans fin, pleines de cris, d’objets brisés, de violence. Elle dit les difficultés financières, les amis qu’on perd, la santé qui se détériore à force de contenir l’enfant pendant ses crises, de ne jamais pouvoir se reposer, d’être dans des violences physiques et sonores sans cesse.

Ce livre est un récit d’aventures : il raconte le voyage mouvementé d’une mère qui va trouver dans la découverte d’ABA (Applied Behavior Analysis) une lumière au bout du tunnel 

et l’espoir, enfin, de pouvoir aider son enfant à s’exprimer, à communiquer, à se socialiser et à apprendre. Anne-Sophie Ferry s’est battue contre des psychiatres obtus et culpabilisants, elle a cherché des solutions sans relâche, s’est formée aux thérapies comportementalistes, a lu d’innombrables articles, a essayé des méthodes différentes et complémentaires pour arriver à apaiser son fils et à lui permettre de grandir, a dialogué avec les professionnels de centres de soin pour les convaincre de l’intérêt de l’ABA. On souffre avec elle et Tristan, tant son témoignage est concret, précis, on chemine avec eux, dans l’horreur, le découragement puis l’espoir, les progrès, les régressions, les moments lumineux enfin.

J’ai eu peur pour Tristan et Anne-Sophie à plusieurs reprises au cours de ma lecture. Je me suis demandé comment cette mère pouvait tenir dans des conditions si extrêmes de violence, de fatigue et de solitude. J’ai aimé la sincérité et l’authenticité de ce témoignage : Anne-Sophie Ferry ne cache rien, elle raconte le quotidien dans ce qu’on a de plus âpre, de plus terrifiant. Les nuits où Tristan hurle et pousse son lit tellement il bouge dedans, les entretiens avec certains professionnels qui lui assènent que c’est elle qui a un problème et qu’elle est trop fusionnelle avec son fils, le calvaire que son fils a vécu à l’hôpital psychiatrique où on lui affirmait pourtant que tout se passait bien, les problèmes de santé qu’elle a eus à cause de ce rythme infernal, sans aucun répit. Ce livre est un thriller, sauf que là c’est la vraie vie.

Enfin c’est aussi un guide pratique comme l’annonce le sous-titre :

Guide de survie d’une maman face à l’autisme.

Anne-Sophie raconte son quotidien, ses questionnements, son cheminement jusqu’aux treize ans de son fils, dans un esprit de partage et de transmission. J’ai trouvé passionnante la description de la thérapie ABA. Anne-Sophie Ferry explique les concepts mais donne aussi des exemples pratiques à travers son expérience avec son fils mais aussi avec d’autres enfants car elle travaille maintenant dans l’éducation spécialisée. Elle évoque de nombreuses techniques, en insistant sur leur complémentarité . Un programme de soins et d’accompagnement doit être adapté à chaque enfant et l’idéal est d’aller chercher dans chacune ce qui lui conviendra. Anne-Sophie Ferry est artiste lyrique et elle a aussi mis au point une méthode de rééducation de l’oralisation : l’ACRAP (Analyse du comportement et rééducation de l’appareil phonique). Elle donne également de nombreux conseils pratiques aux parents qui vivent des situations similaires : l’importance de se former pour aider son enfant, de prendre soin de soi même sur des temps courts en s’accordant des petits plaisirs, les bénéfices de la sophrologie pour se relaxer et gérer plus sereinement les crises de son enfant, sa trouvaille d’un appareil de gym efficace sur un temps court. Son livre fourmille également de références à des chercheurs et à des professionnels qui ont publié des études ou élaboré des méthodes intéressantes.

A la fin du livre, Anne-Sophie explique qu’elle habite maintenant dans un village où les gens sont bienveillants et dans une maison qui lui a permis d’aménager des espaces adaptés à Tristan. C’est un adolescent qui communique avec ses proches et avec les inconnus, qui apprend bien, qui aime nager et adore le rock électro. Il voit maintenant son père chaque semaine. Mais le financement d’une prise en charge ABA a été refusée aux parents, qui doivent donc financer eux-mêmes un suivi auprès d’une psychologue comportementale. « Je n’ai pas encore gagné tous les combats, mais j’ai gagné la guerre » écrit Anne-Sophie dans l’une des dernières pages.

Cécile G.